Emilie Letocart-Calame et Eric O’Donnell ont le même objectif : rendre le droit plus lisible et la direction juridique plus efficace. Leurs parcours respectifs leur ont permis d’y dédier leur activité.
Juriste assurances et droit des affaires chez CBRE, puis responsable juridique EMEA chez Dell Software et enfin co-fondatrice d’une legatech pour Emilie. Elle a créé son cabinet « Calame consulting », spécialisé en legal operations, en 2019 et est l’une des co-fondatrices de la Commission Legal Ops de l’AFJE, qui vient tout juste d’être lancée.
Eric était quant à lui avocat en Irlande, avant de devenir juriste M&A puis Directeur juridique Asie-Pacifique chez Total. A son retour de Singapour, en 2018, il devient Head of Legal Operations pour tout le groupe.
Legals Operations : une vraie fonction de secrétariat général
Selon Emilie, « le legal ops c’est un peu le monsieur Jourdain du droit. Beaucoup de gens en font sans le savoir ».
Le legal ops peut soit être totalement dédié à cette fonction - parfois même il peut s’agir de toute une équipe comme c’est le cas chez Total - soit il peut cumuler cette fonction avec sa fonction de juriste.
Quoi qu’il en soit, Émilie identifie 8 missions principales qui lui sont confiées au sein des directions juridiques :
- knowledge management
- communication
- gestion des process et outils
- organisation des RH
- veille juridique
- conduite du changement
- co-construction de la stratégie juridique
- gestion budgétaire
Auparavant, cette fonction était en réalité assurée par le/la directeur(rice) juridique. Et cela continue d’être le cas dans les petites équipes.
Mais dans des directions juridiques plus importantes comme celles d’Eric, le legal ops est une fonction à part entière. Le but étant de délester le/la directeur(rice) de tout ce qui n’est pas technique comme le précise Emilie. C’est un vrai bras droit au directeur(rice) juridique et son rôle « n’est pas du secrétariat juridique mais s’apparente davantage à du secrétariat général ».
Les sociétés concernées par les legal ops
Selon Emilie, « les legal operations viennent des entreprises du CAC40 en raison d’un budget plus généreux pour la direction juridique, mais aussi de la possibilité de faire évoluer des juristes sur ce type de poste en interne.
On voit également émerger la création de tels postes au sein de structures de moindre envergure, comme par exemple chez Doctolib. L’idée est de prendre la bonne organisation dès le début.
En-dessous de 10 juristes, il est possible de se passer d’un legal ops, mais pas des missions mêmes de legal operations ».
Eric ajoute qu’« il est possible d’avoir un juriste dédié pour partie à ces missions, mais cela doit être clair et officiel afin d’avoir un vrai impact ». Il souligne par ailleurs que « tout le monde peut le faire, mais tout le monde n’a pas les moyens de le faire ».
Le profil idéal : juriste, chef de projet et super-organisateur ?
La plupart du temps, le legal ops est un juriste. Comme le souligne Emilie, il est d’ailleurs nécessaire que le legal ops connaisse l’activité juridique et le fonctionnement d’une direction juridique. Sans cela, comment pourrait-il mener à bien sa mission ?!
Le legal ops doit être un véritable couteau suisse.
En plus d’avoir une bonne connaissance du métier de juriste, il doit être ouvert d’esprit, curieux, créatif. Ce doit être un visionnaire qui doit avoir l’esprit de conviction et un leadership qui lui permettent de conduire le changement ! Sans forcément être un geek, il doit pouvoir échanger avec les ingénieurs qui l’accompagneront dans l’implémentation des outils informatiques. C’est un vrai chef de projet !
Mais avant tout, il doit être à l’écoute des juristes et de leurs besoins.
Les Legal Operations de demain
Emilie et Eric s’accordent pour dire que les legals operations devraient ressembler à ce qui est en place aujourd’hui chez Total !
La prochaine étape sera de professionnaliser encore davantage cette fonction, en créant notamment une formation diplômante, au même titre que celles qui existent en contract management et en transformation digitale.
C’est une fonction du présent et de l’avenir (et non pas une « mise à l’écart » comme certains pourraient le penser).
Elle nécessite de placer l’organisation de la direction juridique toujours au plus proche du business de l’entreprise. Eric insiste également sur l’importance d’avoir le soutien du directeur juridique : « si le legal ops n’a pas un vrai rôle identifié, il n’ira nulle part ».
Propos recueillis par Majdeline Salhi et Audrey Déléris