Le réseau "Juristes start-up & new tech" a été initié en 2019 par Pierre Landy (ancien Directeur juridique devenu avocat) et Audrey Déléris (Manager au cabinet de recrutement FED Legal) après une rencontre de partage entre juristes de la tech... Rencontre qui a trouvé son public et a débouché sur la création d’un groupe réunissant juristes et directeurs juridiques ou fiscalistes dans le secteur de la Tech.
Audrey Déléris explique que "le réseau consiste en outils d’échange (sur Slack et Linkedin) et rencontres trimestrielles, avec des échanges quasi quotidiens, sur des bonnes pratiques en management, juridique, recrutement..."
Pierre Landy complète en constatant que "cette population ne se retrouvait pas forcément dans d’autres réseaux professionnels, au-delà des différences de culture de ces entreprises, notamment sur les pratiques spécifiques de leur secteur (et je constate que ces réseaux existent déjà largement aux USA et Grande Bretagne)."
L’originalité de réseau professionnel est d’être auto-animé, gratuit et d’une certaine façon altruiste, sans doute dans l’air du temps de l’économie de partage. Les membres sont invités à être responsables (venir aux évènements quand ils s’annoncent, considérer les partenaires).
Nombre de ces juristes en startup ou Tech sont seuls en fonction juridique, et isolés, sans grande aide pour leurs problématiques (un constant fréquent dans les directions juridiques en général).
Il n’y a pas d’avocats dans le réseau, uniquement des juristes en poste dans le secteur des startup ou de la Tech "plus ancienne" et parfois de plus grande taille d’entreprise.
Ces juristes de la Tech peuvent-ils être moteurs ou leaders dans les transformations actuelles du droit ?
C’est un peu l’objet de l’enquête que le réseau a mené auprès de ses membres avec Thibaut Caoudal (co-fondateur de Leeway, Legaltech de gestion de contrats).
"Dans cette enquête" nous a répondu Thibaut Caoudal, "ce qui est assez marquant est le niveau de maturité en technologie des juristes de la Tech, qui est élevé ou très élevé, ayant de la Legaltech développée en interne ou travaillant avec des prestataires de Legaltech."
"Ils sont donc leaders, car en contact avec la techno et l’innovation, en terme d’outils ou de processus ; ils sont destinés à être en avance et moteurs."
Pierre Landy abonde en mettant en avant que dans les startup, les délais sont plus rapides ; il y a donc bien une spécificité dans l’agilité des juristes de ces entreprises...
Dans l’enquête qui va être présentée en ligne le 6 octobre lors d’un webinaire sur les points clés à retenir, la Rédaction du Village de la Justice a été frappée du même souci de manque de considération des juristes dans les startup que dans d’autres types d’entreprises, comme si même ces juristes ne parvenaient pas à démontrer leur impact et rôle clé dans une économie numérique pourtant très concernée par le droit (on peut penser au RGPD, au "legal by design", aux disruptions souvent agressives de certains acteurs en confrontation directe avec d’autres sociétés sur le terrain juridique, etc).
Pierre Landy nous a répondu que "ce n’est pas tant un sujet de considération - ces juristes sont reconnus en interne, c’est surtout que leur leadership, stratégique ou visionnaire, n’est pas encore pris en compte : on ne les rattache pas aux comités de direction, donc de décision. Ils sont encore trop souvent perçus, à tort, comme les empêcheurs de tourner en rond. C’est une perception parfaitement inexacte car les juristes de la tech ont toutes les qualités pour être les fameux « trusted advisors » des sociétés US.
Mais d’un autre côté, les juristes ont aussi beaucoup à apprendre en savoir-être, pour savoir expliquer ce qu’ils peuvent apporter au collectif par exemple, et mieux communiquer. D’ailleurs dans notre enquête ils estiment avoir besoin de formation en leadership ou de mentoring."
Audrey Déléris réagit : "D’où l’importance de placer le plus haut possible le Directeur juridique dans le processus de décision ! C’est pour cela que nous faisons se rencontrer des Juristes et des CEO dans nos rencontres, pour mieux se connaître".
Autre sujet, nous nous sommes posés la question de savoir si ces juristes du secteur de la tech seraient plus entrepreneurs dans l’âme ? Ont-ils co-fondés eux-mêmes des startup ? Pourquoi ont-ils rejoint ce secteur dynamique ?
"Oui il y en a" indique Audrey Déléris, "et globalement ces juristes ont forcément une culture de l’entrepreneuriat, car on leur demande beaucoup de choses pour faire adhérer, faire grandir la startup ; ils seront nécessairement artisans de l’hyper-croissance !".
Thibaut Caoudal confirme : "l’état d’esprit d’entrepreneur est aussi dans la croissance attendue, car il va falloir faire grandir les équipes, redéfinir des outils, se réinventer régulièrement..." De l’intra-entrepreneuriat permanent donc !
L’hyper-croissance est d’ailleurs une source de défis pour ces juristes de la French Tech, bien identifiée dans l’enquête. Dans l’ensemble, les juristes de la French Tech font face à un défi important : réussir à protéger leur entreprise sans la ralentir dans ses objectifs d’hyper-croissance. "Ce rôle de gardien du temple est d’autant plus difficile à assurer qu’ils déclarent manquer de temps pour la moitié d’entre eux (49,1%) et de moyens humains pour un quart entre eux (28,6%)."
Ajoutons que parmi les motivations identifiées dans l’étude pour rejoindre une entreprise de la Tech, il y a notamment la vision des fondateurs et celle de leur entreprise (avec aussi la qualité de vie et les sujets juridiques motivants [1]).
Côté Legaltech, on pourrait s’attendre à ce que ces juristes soient suréquipés...
"Pas encore" nous dit Thibaut Caoudal, "mais ils sont très motivés : 2/3 des juristes souhaitent travailler avec des Legaltech à partir de 2021, dont 85% sur les solutions de gestion des contrats.
Ces juristes sont dans leur environnement plus orientés que d’autres vers les outils de collaboration de productivité, utilisés par d’autres services, et rapidement les outils standards ne suffisent plus.
"Par exemple en matière de gestion de contrats, les juristes sont nombreux à utiliser des "package" Google Drive+Excel+Trello+Docusign+emails. Mais cela autorise peu de collaboration réelle et pas assez d’anticipation : en gestion des contrats, c’est la collaboration avec les services business de l’entreprise qui est l’avenir, pour amener de la collaboration en amont des contrats".
On le voit la collaboration entre ces juristes et les développeurs web pourrait bien apporter du confort et des services à tous les juristes...
Que peut-on attendre encore de l’enquête sur ces juristes ?
Pour Thibaut Caoudal, deux objectifs principaux : "Créer un référentiel commun pour les juristes de la tech, évolutif dans le temps, sur des infos de type salaire, position dans l’entreprise, taille des équipes... Mais aussi mettre en lumière une population pas toujours visible dans le milieu startup ou juridique."
Une recherche de reconnaissance de leurs spécificités donc, et une volonté de mettre en lumière leur rôle dans les défis qui attendent les acteurs de la Tech.
À l’occasion de la sortie de l’étude, un webinaire se tiendra le mardi 6 octobre 2020 de 11h à 12h.
Les principaux enseignements de l’étude seront développés pour mieux cerner cette catégorie de professionnels que sont les juristes de la French Tech : parcours, position dans l’entreprise, qui sont leurs directions juridiques, leurs priorités pour 2021, les difficultés auxquelles ils font face quotidiennement.
Pour tout contact avec le réseau, écrivez à audreydeleris@fedlegal.fr et/ou pierre@andcolaw.com.
Article rédigé par Village de la Justice
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