Depuis ses prémices, la fiche de paie reste un mystère pour la majorité des salariés.
Coup d’œil à deux ou trois lignes essentielles, check du remboursement des éventuelles notes de frais et zoom sur le net à payer : c’est souvent ainsi que peut se résumer le faible intérêt porté par leur propriétaire. Ces bulletins de paie sont ensuite voués à terminer leur existence dans une caisse administrative abandonnée dans un coin de la maison ou enregistrés sur le disque externe des plus écolos.
Bonne nouvelle pour tous les collaborateurs fâchés avec les dizaines de lignes de cotisations au libellé et aux formules improbables qui composent notre fiche de paie : il ne sera bientôt plus nécessaire d’être expert des RH ou de la Finance pour parvenir à y voir clair. Le bulletin de paie va enfin se sim-pli-fier !
Deadline : 1er janvier 2018 pour tous avec mise en place progressive …
Certains salariés bénéficient déjà de cette simplification, rendue possible sur la base du volontariat depuis le 1er mars 2016.
Au-delà de cette lecture simplifiée pour le salarié, quels seront les avantages de ce nouveau format ?
Quels seront les enjeux pour les entreprises ? Quels changements, dans le détail, se feront observer ?
1. La clarification du bulletin de paie
Donner du sens au bulletin de paie, rendre plus compréhensibles les fondements du système français de solidarité - et donner un nouvel élan à la dématérialisation du bulletin de paie : tels sont les principaux objectifs de la clarification.
Ainsi, ce nouveau document – au nombre de lignes considérablement réduit – contribuera en premier lieu à mieux informer les salariés sur le coût du travail ; à rendre plus compréhensibles les montants de cotisations dus d’une part, par les salariés et d’autre part, par les employeurs en tenant compte des exonérations dont ces derniers peuvent bénéficier. Le montant total des allégements de cotisations sera également mentionné. La référence de l'organisme auquel l'employeur verse les cotisations de Sécurité Sociale et le numéro sous lequel ces cotisations sont versées n’ont en revanche eux, plus leur place sur le bulletin.
La ventilation de somme totale versée par l’employeur sera, elle, clairement décomposée : rémunération brute, cotisations et contributions à la charge de l’employeur, déduction des exonérations et exemptions…
A noter : les exonérations et exemptions prises en compte sont précisément listées par arrêté. Sont concernées notamment la réduction Fillon et celle d’allocations familiales.
En termes de calendrier, ce nouveau bulletin de paie a fait son apparition de manière tout à fait facultative au sein des entreprises début 2016. Ces quelques entreprises volontaires se sont ainsi constituées pilotes de ce projet, qui sera décliné dans les structures de plus de 300 collaborateurs en janvier 2017.
A noter : la définition précise du seuil de 300 collaborateurs reste néanmoins assez floue pour le moment : cette notion ne concerne-t-elle que les salariés permanents, en CDI ? Inclut-elle les CDD ? Les contrats d’Intérim, les stagiaires.. ?
La question de l’uniformité de ce nouveau bulletin de paie peut également se poser : va-t-il faire disparaitre le bulletin de contrôle ? Pourra-t-il varier d’une société à l’autre ?
Afin de répondre aux interrogations liées au changement et d’accompagner les entreprises durant cette période de transition, des fiches d’information sont accessibles sur le portail de l’administration française : www.service-public.fr.
A noter : la mention de la rubrique dédiée au bulletin de paie disponible sur le portail gouvernemental est l’une des mentions légales à faire apparaitre sur le bulletin de paie nouvelle génération.
Pour mémoire, ledit bulletin de paie sera rendu obligatoire pour tous les employeurs à compter du 1er janvier 2018 avec un modèle pour le statut cadre et non-cadre (les libellés et l'ordre des mentions obligatoires notamment diffèreront entre les deux).
Une contravention de 3ème catégorie - 450 euros par infraction constatée - sera infligée aux mauvais élèves.
MODELE NOUVEAU BULLETIN STATUT CADRE
Crédits image : https://www.service-public.fr
MODELE NOUVEAU BULLETIN STATUT NON-CADRE
Crédits image : https://www.service-public.fr
2. La dématérialisation du bulletin de paie
Outre la volonté de s’inscrire dans une démarche environnementale, la dématérialisation du bulletin de paie a également pour vocation de faciliter la vie du salarié et de réduire les coûts pour les entreprises.
Ainsi, sauf opposition expresse du salarié, l’employeur pourra, dans le cadre de l’instauration de ce nouveau document, procéder à la remise du bulletin de paie sous forme électronique. Néanmoins, les conditions de dématérialisation devront garantir l’intégrité, la disponibilité pendant une durée fixée par décret, la confidentialité des données et leur accessibilité dans le cadre du service associé au compte mentionné.
a. La communication interne
Cette transition digitale ne pourra pas se faire du jour au lendemain.
En effet, l’employeur est tenu d’informer ses salariés un mois au minimum avant la mise en place de la dématérialisation en leur précisant qu’ils peuvent, s’ils le souhaitent, continuer de recevoir leurs bulletins de paie au format papier. Les nouvelles recrues elles, doivent être informées dès leur embauche qu’elles recevront leur fiche de paie au format électronique.
A noter : un collaborateur ne s’étant pas opposé à la dématérialisation lors de sa mise en place ou lors de son arrivée pour les nouvelles embauches, pourra tout à fait changer d’avis quand bon lui semblera.
- À lire aussi : Fiche métier responsable rémunération et avantages sociaux
b. La disponibilité des bulletins de paie
Si jusqu’à présent, le salarié devait s’assurer de conserver précieusement ses bulletins de paie, l’employeur a désormais sa part de responsabilité. En tendant vers la dématérialisation, l’entreprise se doit en effet de garantir la disponibilité des fiches de paie électroniques pendant une durée de 50 ans prévoit le projet de décret.
A noter : l’entreprise peut internaliser la conservation des fichiers électroniques ou préférer confier cette mission à un prestataire spécialisé. Les salariés devront être informés trois mois avant l’éventuelle fermeture définitive de cette entreprise extérieure afin de pouvoir prendre les dispositions nécessaires à la récupération de leurs données.
c. Le Compte Personnel d’Activité (CPA)
Le gérant des bulletins de paie dématérialisés - employeur ou prestataire extérieur - se devront de rendre accessibles les documents électroniques depuis le CPA afin, notamment, de garantir leur consultation par les salariés en cas de changement d’entreprise.
3. Prélèvement à la source
Adapter en temps réel l’impôt aux changements de situation des contribuables, rendre contemporain le prélèvement et prélèvement lors du versement du revenu, tels sont les objectifs principaux du prélèvement à la source.
De nombreux pays ont adopté le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : le tour de l’hexagone semble bel et bien être arrivé.
Sont concernés tous les éléments de rémunération imposables à l’impôt sur le revenu, les salaires et assimilés, les sommes versées au titre de l’épargne salariale (intéressement, participation…) et les revenus de remplacement imposables (allocation de reclassement…).
Quel calcul pour quel prélèvement ?
Le taux est calculé par l’Administration fiscale, qui reste l’interlocuteur unique pour le salarié.
L’Administration effectue un rapport entre l’assiette et l’impôt A-2, cette information est transmise au salarié (septembre) puis à l’employeur dans un second temps (octobre). La régularisation est ensuite effectuée sur la déclaration A-1.
Si beaucoup de lignes sont supprimées sur ce bulletin de paie nouvelle génération, certaines mentions en rapport avec ce prélèvement à la source vont en revanche voir le jour : la rémunération avant prélèvement, la base fiscale (fiscal net), le taux d’imposition, le montant de l’impôt, le net à payer.
Quid de la confidentialité ?
La question est sur toutes les lèvres. Sans pour autant avoir la main sur tous les revenus de leurs salariés, les employeurs en apprennent déjà bien suffisamment sur leurs collaborateurs avec le taux d'imposition et notamment sur ceux qui perçoivent des revenus du capital élevés avec un revenu du travail faible.
Pour les salariés qui ne souhaiteraient pas dévoiler la nature de leurs revenus, l’Administration a prévu la possibilité d’appliquer un taux d’imposition neutre (selon un barème prédéfini). Si l’application du taux neutre conduit à un prélèvement inférieur à la somme due, une régularisation interviendra au plus tard à la fin du mois suivant la perception du revenu, afin de régler le solde. A l’inverse, un remboursement sera effectué en faveur du salarié en année N+1 en cas de versement trop important.
Quelques mots pour conclure ..
Au-delà des craintes organisationnelles et logistiques que cette révolution engendre au sein des organisations, un autre enjeu se fait observer pour les entreprises françaises : celui de maintenir le niveau de confiance de leurs collaborateurs face à ce nouveau bulletin de paie et le futur prélèvement à la source. Outre le montant du salaire mensuel, le bulletin de paie est en effet un document crucial qui scelle la relation entre l’employeur et le salarié et lui assure ses droits sociaux : retraite, maladie, congés payés...
Cette simplification du bulletin de paie ne doit pas simplement se résumer à une réduction du nombre de lignes, mais elle doit s’inscrire dans un véritable dispositif pédagogique, de réassurance et de proximité envers les collaborateurs.
Au-delà de l’aspect technique, les éditeurs de paie ou les experts paie en externe vont avoir également un véritable rôle d’information à jouer pour accompagner et rassurer les gestionnaires et les responsables de paie ou encore les RRH et chefs d’entreprise. En plus des experts en paie, il faudra également communiquer auprès d’un public dont ce n’est pas le métier, que ce soit les managers, les collaborateurs ou encore les services RH, à travers un dispositif d’accompagnement adapté via des campagnes de communication, des supports adaptés…
Toutes les sociétés françaises vont donc devoir bien anticiper cette conduite du changement au risque de devoir subir les incompréhensions de leurs salariés.
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Cette note a été rédigée dans le cadre d’une matinale Fed Human organisée sur le thème du bulletin de paie simplifié.
Intervenant sur le sujet : Abdelkader Berramdane, Directeur Veille législative de la société ADP-GSI.
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