Nasser Ledraa, consultant senior chez FED Legal, nous donne son point de vue d'expert sur l'état du marché du recrutement pour les profils d'ingénieurs brevets.
Il met notamment l'accent sur les tendances du marché, les difficultés rencontrées par ces profils et les perspectives pour l'année 2020!
1. Quelles sont les tendances du marché pour le recrutement de tels profils ?
Les profils d’ingénieurs brevets, et en particulier ceux ayant validé l’Examen de Qualification Européen, sont très recherchés. Les profils plus particulièrement ciblés par les cabinets sont les ingénieurs avec une spécialisation académique en mécanique, électronique, et de plus en plus dans le domaine de l’intelligence artificielle (que ce soit pour des applications autour des objets connectés, des algorithmes, logiciels…).
En tout cas pour les ingénieurs intéressés par ces sujets certains cabinets ont fait l’effort de structurer leurs équipes pour mieux répondre aux interrogations de leurs clients.
Une des particularités de ce marché réside dans le cloisonnement de ces acteurs. Le nombre de mandataires en France est limité, beaucoup se connaissent, pour être passés par les mêmes cabinets ou pour avoir fréquenté les bancs du CEIPI ensemble. Le résultat est à mon sens une certaine frilosité quant à la nouveauté : que ce soit les nouveaux acteurs, les nouveaux positionnements… ou à changer de cabinet.
2. Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Les difficultés rencontrées tiennent principalement à la frilosité des acteurs :
- Les candidats hésitent souvent à débuter des process, pour des raisons diverses d’ailleurs : peur que la démarche ne soit découverte, peur de la nouveauté, crainte de se mettre en difficulté avant les épreuves du CEIPI, de l’EQF, du pré EQE ou de l’EQE… ;
- Frilosité aussi des cabinets : les clauses de non concurrence deviennent tellement restrictives que les ingénieurs souhaitant changer de cabinet après 4 ou 5 ans n’ont plus que le choix de l’entreprise. Ce qui pose un problème important de fuite des talents : les cabinets ne semblent pas avoir pris la mesure de l’impact négatif de leurs stratégies de rétention de profils sur lesquels ils ont effectivement investis du temps et de l’argent pour la formation, mais qui pourraient aussi contribuer au rayonnement de leurs formateurs en étant ailleurs.
Le résultat de cette double frilosité est un marché où les process sont lents, incertains, les candidats prompts à se désister d’un process sur le point de débuter voire à se désengager après accord…
3. Quelles sont les perspectives pour 2020 ?
Les perspectives 2020 étaient bonnes avant le confinement, certains acteurs ont entamé une mue bienvenue dans la profession, avec de nouvelles stratégies de communication, des rapprochements, des transformations digitales (paperless, télétravail…) ; avec le confinement ces acteurs bénéficient d’un avantage évident dans le business comme dans les recrutements.
Pour le moment le Covid-19 a peu d’impact sur les recrutements dans la PI, les projets autour de marques, brevets, noms de domaines, dessins et modèles sont des projets au long cours, auxquels les entreprises ne mettent pas fin du jour au lendemain. En revanche, il n’est pas impossible qu’il y ait moins de budget consacré à ces projets dans les mois à venir, et donc moins de recrutements.
Comme beaucoup de secteurs d’activité dans l’économie, un renouvellement générationnel des équipes est en cours. Cela est et restera un motif de recrutement important dans les années à venir.
Enfin, évoquons la concurrence encore accrue des entreprises. Ces dernières, du moins celles pour qui la PI revêt un caractère stratégique, n’hésitaient pas à se constituer des équipes internes au fonctionnement proches des cabinets. Toutefois, en période de crise, les entreprises ont tendance à limiter voire réduire la masse salariale, et pour cela l’externalisation de certaines fonctions peut être un moyen efficace. Si les entreprises déjà staffées en interne risquent peu de réduire les équipes PI, des projets d’externalisation risquent a minima d’être mis en suspens.
Les perspectives de recrutement restent bonnes, les profils pénuriques le seront toujours dans 6 mois, et si les cabinets de conseils en PI revoient à la baisse leurs effectifs ou tout du moins leurs recrutements, les ingénieurs brevets ne risquent pas d’en faire les frais.