22 juin 2016 • FED Legal • 5 min

La direction fiscale est-elle condamnée à être externalisée ? 

Un fiscaliste par tranche d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires : les directions fiscales se sont construites sur un ratio aujourd’hui obsolète. Les problématiques fiscales ont pris une ampleur et une complexité sans commune mesure. Le fiscaliste intervient comme peu de fonctions : tout au long de la vie et du business d’un groupe. Si le métier de fiscaliste implique le reporting a posteriori, il consiste « aussi à conseiller, anticiper et orienter les décisions » selon Thierry Vidal, Directeur Fiscal du Groupe Galeries Lafayette.

1. La direction fiscale à l’épreuve du changement 

  • De business partner auprès d’une fonction support… 


Métier technique par essence, la fiscalité est parfois considérée comme une boîte noire que l’on n’ouvre seulement lors des contrôles fiscaux. Pourtant, elle s’inscrit  dans des problématiques plus globales. Les activités déclaratives et contentieuses assurent au directeur fiscal une certaine légitimité et restent un canal d’informations important.  La direction fiscale se retrouve aujourd’hui en première ligne sur bon nombre de sujets plus vastes et plus exposés, comme les opérations exceptionnelles, la compliance, la RSE… Le fiscaliste n’est plus seulement un technicien, maître de l’impôt loin du terrain. 

  • …A lanceur d’alerte auprès des décisionnaires

La fiscalité est confrontée à 3 vecteurs de changement : 

Les directeurs fiscaux ne se voient pas comme un contre-pouvoir, mais plutôt à la fois comme gardien de la cohérence fiscale et lanceur d’alerte interne. Ils proposent une lecture stratégique pas forcément financière mais également éthique.

Cela peut-être une conséquence directe des amendes européennes infligées à certaines sociétés internationales. S’il faut bien faire la différence entre optimisation et évasion fiscale, les directeurs fiscaux se doivent de prendre en compte le risque lié à l’image. 

2. L’externalisation: une « vraie fausse bonne réponse »

L’enjeu premier de l’externalisation est la réduction des coûts, avec par exemple la création de centres de services partagés (CSP) à l’étranger (pour le déclaratif notamment). Mais elle peut également se faire pour des raisons stratégiques : décentralisation de la fonction fiscale avec le recrutement de fiscalistes dans les filiales, (afin de se rapprocher du business), ou encore auprès de cabinets d’avocats (pour une vision plus technique et pointue de certains sujets).

Selon certains directeurs fiscaux, conserver le day to day en interne présente cependant plusieurs avantages :

- légitimer l’intervention sur des sujets plus stratégiques ;

- avoir une vraie valeur ajoutée ;

- sécuriser les process en amont ;

-  avoir un vrai rôle de challenger auprès de la direction financière.

Les outils de systémisation permettent néanmoins d’externaliser certains aspects de la fonction tout en les gardant dans son escarcelle : « grâce à ces outils, nous sortons du déclaratif pour finalement nous focaliser sur des informations auxquelles nous n’avions pas forcément accès immédiatement. Il est ainsi plus aisé d'en mesurer l'impact pour orienter ses axes de travaux et d'analyses », selon Sandrine Groult, Directrice Fiscale du groupe April et Présidente de l’Association des Fiscalistes d’Entreprise (AFE). 

3. Vers un nouveau rayonnement de la direction fiscale 

  • Le directeur fiscal, maître en son royaume

Historiquement intégrés à une direction juridique et fiscale, les directeurs fiscaux sont aujourd’hui en majorité rattachés aux directions financières. Tendance qui change, puisque certains d’entre eux voient un nouvel échelon se glisser entre eux et le DAF. Au-delà d’une question d’égo et de visibilité en interne, la vraie question derrière ces évolutions est celle du pouvoir de décision.

Données recueillies auprès des 268 directeurs fiscaux rencontrés par FED Legal                                      

L’information pour un fiscaliste est essentielle à un niveau d’implication stratégique et efficace sur les dossiers. Le rattachement à la direction générale, et la potentielle présence au comité de direction, permettent avant tout de garantir un pouvoir de décision sur les sujets fiscaux. De la pertinence d’un montage au choix d’un prestataire informatique, ce pouvoir de décision peut se révéler indispensable dans le quotidien d’un directeur fiscal.                                                                                     

  • Les défis de la direction fiscale de demain

Les directions fiscales ont pris conscience de l’importance de leur positionnement interne et de l’autonomie qui en découle. Par ailleurs, elles se retrouvent confrontées à des enjeux de plus en plus stratégiques et complexes, tels que la nouvelle réglementation BEPS.

Afin d’y faire face, les équipes se diversifient avec des profils venant de formations plus variées (finance, IT…) et plus uniquement des filières juridiques. 

L’enjeu principal est de couvrir un périmètre plus large tout en réussissant à se concentrer sur les problématiques à plus forte valeur ajoutée.

S’il existe autant de configurations fiscales que de structures, tous les directeurs présents s’accordent cependant sur l’importance de la créativité fiscale et d’un rayonnement toujours plus international afin de faire croître la reconnaissance de la fonction tant en interne qu’en externe.