« Il n’y a pas d’amour exclusif » selon Pierre PREVOSTEAU, Directeur Juridique Droit social du groupe Areva. C’est à partir de ce constat et de celui fait auprès de nos clients et candidats sur la disparité des relations entre droit social et ressources humaines, que nous avons mené une réflexion sur la place du juriste en droit social en entreprise aujourd’hui.
1. L'exception sociale française
Le 9 avril dernier, Emmanuel Macron déclarait sur RTL : "si on crée un nouveau contrat, j'ai peur qu'on complexifie". Le Ministère du Travail convient que le marché du travail français utilise une quinzaine de contrats de travail principalement. A titre d’exemple, nos voisins comptent a minima deux fois moins de contrats que nous.
Compte-tenu de cet environnement français très normé, le juriste en droit social peut-il prétendre à la même place de business partner que son confrère en droit des affaires ? Comment l’organisation et le positionnement qui lui sont octroyées aujourd’hui influent sur son rôle au sein des entreprises ?
2. Les conditions de succès du juriste droit social : l’exemple Areva
• Le rattachement
Une grande majorité (68%) des juristes en droit social (sans distinction d’expérience ou de titre) placés par FED Legal, le sont auprès des Directions des Ressources Humaines. Cependant, de plus en plus d’équipes indépendantes au sein d’une direction des affaires sociales ou d’une direction juridique se créent.
Au-delà de la question du périmètre, le rattachement peut avoir des conséquences plus importantes sur l’impact du droit social en entreprise.
• ... et l'indépendance
Les juristes en droit social au sein de Framatome (devenue AREVA NP) et Cogema (devenue AREVA NC), les deux principales structures à l’origine de la création du Groupe Areva, avaient un rattachement différent, l’un à la direction juridique et l’autre à celle des ressources humaines. A la création d’Areva, le schéma choisi a été le premier.
Le droit social a ainsi perdu son lien de subordination avec la DRH, qui est devenu un véritable client interne. Au-delà d’une question d’indépendance, une organisation différente pourrait permettre une autre implication : la maitrise de tous les dossiers.
• La collaboration
Si le droit social suppose diverses problématiques complexes en entreprise, un nombre important de juristes en droit social sont en charge de l’activité de gestion quotidienne de manière parfaitement autonome (relations collectives et individuelles).
Les questions sociales interviennent également dans des contextes plus extraordinaires, et sont dans ce cas plus liées à la structure et à la stratégie des sociétés (M&A, restructuration…). Ces dossiers ont tendance à échapper au juriste en droit social au profit des cabinets d’avocats ou du binôme Directeur des Ressources Humaines/Directeur Juridique.
Pourquoi ce manque de dossiers stratégiques ?
Comme pour tout juriste, la « concurrence » des avocats peut venir d’un besoin de signature, d’un passé entre un DG et son conseil ou d’un besoin d’intermédiaire pour faciliter une négociation.
• ... et l'intérêt des dossiers
Chez Areva, l’équipe juridique « droit social » est impliquée dans toutes les problématiques du groupe. Lors d’un projet d’acquisition ou d’opération exceptionnelle, une task force est créée au sein de laquelle toutes les entités du groupe sont présentes : la finance, les ressources humaines, la stratégie, le juridique droit des sociétés et le juridique social… Tous les experts du groupe se réunissent pour monter le projet.
Ce niveau d’intervention en amont permet d’éviter les mauvaises surprises et d’anticiper le calendrier et d’autres difficultés éventuelles.
Au-delà des Ressources Humaines et de la Direction Juridique, la particularité du droit social nécessite une vision globale des projets.
• La visibilité en interne
- En France ...
Selon Pierre Prévosteau, « le juriste droit social doit prodiguer ses conseils en ne restant pas dans sa tour d’ivoire. »
Au sein d’Areva, il attache une réelle importance à accorder une bonne visibilité à ses juristes auprès de toutes les directions et opérationnels du groupe. Tous les juristes en droit social (12 au total) sont sous son égide.
Les formations sur le terrain, auprès des ressources humaines notamment, permettent ainsi une meilleure collaboration en interne.
« La proximité et le contact sont essentiels. Ce n’est pas du tourisme industriel. Le retour sur investissement du déplacement est énorme, puisqu’ensuite le juriste droit social est systématiquement mis dans la boucle. »
- ... et à l'International
L’organisation de la Direction Juridique d’Areva repose que des juristes experts (social, concurrence, M&A…), des juristes dédiés à chaque activité et des directions juridiques pays (Allemagne, Etats-Unis, Chine)
Ainsi, lorsqu’il y a un sujet de droit social à l’international, contact est pris entre le juriste social et le Directeur Juridique Pays, avec le support éventuel d’un avocat spécialisé en local. Le DJ local sert alors de coordinateur.
« Au sein de la Direction Juridique d’ Areva existe un reporting bi-mensuel par pays et par activité, ce qui permet de rester au fait des sujets stratégiques. »
3. Le Juriste Droit Social : quels profils et quelles perspectives ?
• Les profils recrutés en droit social
Cet instantané du marché montre que le social, droit de terrain, est majoritairement représenté en entreprise, et avec des profils sans CAPA. Néanmoins, cela n’empêche pas le passage plutôt fluide des cabinets vers les entreprises.
Bien qu’il s’agisse d’un droit globalement franco-français, les compétences linguistiques deviennent de plus en plus un critère de sélection (pas toujours pertinent, cependant, l’activité anglophone étant souvent du reporting à la maison mère basée à l’étranger).
• Quelles perspectives pour le juriste droit social ?
L’évolution du juriste en droit social est indéniablement liée à son activité : avocat, affaires sociales, directeur social, cabinet de consultants, juriste social dans un autre groupe… Le passage vers le droit des affaires et a fortiori vers un poste de Directeur Juridique généraliste est (presque) inexistant, sauf nécessité d’une forte expertise en droit social due à un contexte particulier.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
Titulaire d'un doctorat et du CAPA, Pierre Prévosteau a commencé sa carrière professionnelle en 1996 en tant qu'assistant parlementaire, puis est entré comme juriste à la fédération patronale de la métallurgie (UIMM).
Intégrant le Groupe AREVA en 2002, il occupe successivement les postes de Directeur Juridique Droit Social de FCI, de T&D et de FRAMATOME. En 2007, il rejoint la fonction RH en tant que Directeur des Relations sociales d'une Business Unit du Groupe travaillant pour le secteur de la défense nationale. Après 5 ans dans cette fonction, il est nommé en 2012 au poste de Directeur Juridique Droit Social du Groupe AREVA, poste qu'il occupe actuellement.
Parallèlement, il enseigne le droit du travail en M2 au CELSA (Université Sorbonne - Paris IV) depuis 2007.
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
Audrey Déléris est diplômée d'un troisième cycle en Droit International et en Droit Public Comparé Européen à l'université Paris I-Panthéon-Sorbonne. Après une première expérience aux Pays-Bas en droit international, elle décide de se tourner vers le recrutement en intégrant, en 2009, un cabinet de chasse dédié aux profils juridiques. Elle y développe une connaissance de ce marché et travaille auprès d'entreprises et de cabinets d'avocats. Elle rejoint FED Legal en 2010 et a développé un portefeuille de clients orienté principalement dans le secteur industriel (construction, énergie, pharmaceutique, automobile,…).
Audrey Déléris, Consultante Senior FED Legal
T. : 01.40.82.00.23
Mail : audreydeleris@fedlegal.fr
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
Amira Mahfoudhi est diplômée d'un LL.M en Droit européen des affaires à Amsterdam, complété par un Master spécialisé à l'EM Lyon. Après une première expérience de juriste en SSII, elle rejoint un cabinet de recrutement international en 2010 pour accompagner une clientèle de cabinets d'avocats d'affaires. Elle intègre FED Legal en 2012 pour développer un portefeuille de clients dans les services et les biens de consommation (nouvelles technologies, distribution, BtoB, media, luxe...).
Amira Mahfoudhi, Consultante FED Legal
T. : 01.40.82.02.71
Mail : amiramahfoudhi@fedlegal.fr